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La virgule d’Avignon : une erreur (enfin) réparée

Gare d'Avignon TGV

L’intérieur de la gare d’Avignon TGV. Crédits photo : Nelson Minar

Quand on construit une nouvelle ligne à grande vitesse, il y a plusieurs façons d’intégrer une nouvelle gare, toutes ont leurs avantages et inconvénients… Et parfois des solutions pour y remédier, qui mettent du temps à être appliquées.

On garde la même et on continue

C’est la première solution qui vient à l’esprit : la nouvelle gare sera l’ancienne. C’est après tout la solution la plus pratique du côté des voyageurs. En effet, les gares existantes sont souvent au centre-ville, ou déjà bien desservies, ainsi cela ne modifie pas les habitudes.

Si la solution est pratique, elle n’est pas pour autant simple à réaliser. En effet, il faut raccorder la nouvelle voie aux voies existantes. Cette opération peut se révéler compliquée et assez couteuse car ce n’est pas simple d’aller connecter de nouvelles voies à d’anciennes, la plupart du temps dans le tissus urbain.

Par ailleurs, les trains rejoignent des gares parfois déjà bien occupées, où il est compliqué d’ajouter des trains. Et là on en arrive aux problèmes d’exploitation : plus un train passe par les voies classiques, plus il prend le risque de prendre du retard. En effet le train va partager les voies avec des trains régionaux et de fret entre autres. Et en prenant du retard, il va le répercuter sur la ligne à grande vitesse, ce qui tend à prendre plus d’ampleur à 300 km/h ou plus. Enfin, cela fait perdre plus de temps que les autres solutions aux trains.

A Marseille, les TGV qui s’arrêtent cohabitent avec les TER.
Crédits photo : Clicsouris

On utilise peu cette méthode en France, excepté aux gares « terminus » comme à Paris, ou encore à Marseille Saint-Charles. Les changements sont ainsi grandement facilités et il est plus facile d’accéder aux trains. Les futurs travaux de la gare permettront d’ajouter des voies en souterrain pour éviter le rebroussement des trains, le principe de la gare en centre-ville sera maintenu.

On « pose » une gare sur la ligne

Cette méthode consiste à créer une gare là où passe la ligne, sans opérer de déviation. Cette méthode contrairement à la précédente a l’avantage du coût et de la rapidité. En effet, elle est rapide, simple et « économique ». En effet il suffit de trouver un endroit de la ligne où il y a assez de place pour créer des voies parallèles et une gare, puis de la construire.

Cependant si on ne doute pas de l’aspect pratique pour les constructeurs de la ligne, cette dernière perd indéniablement en attractivité et en simplicité pour les voyageurs. En effet, pour accéder à ces gares, il est souvent indispensable de prendre… une voiture.

Que dire de l’aspect écologique prôné par le train, qui est alors réduit en miette puisqu’il faut alors construire routes et parkings pour que la gare puisse fonctionner. Alors qu’on pensait utiliser un petit espace le long des voies, en fait celui-ci grandit régulièrement. De la même façon, en comptant le temps de trajet « porte à porte », cette solution est moyennement satisfaisante puisqu’il faut y inclure le temps passé pour atteindre la gare.

La gare TGV d’Aix-en-Provence, perdue en campagne, cernée par des routes et parkings.
Crédits photos : Jean-Claude Carbone

Cette solution a pu retenue à plusieurs reprises en France, par exemple dans le cas d’Aix-en-Provence TGV. Cette gare loin de tout attire de nombreux voyageurs en rapprochant Paris, mais est finalement peu commode pour les habitants de la région…

La solution hybride : la nouvelle gare proche de la ville

Une solution plus hybride est de faire passer la ligne à proximité de la ville et de créer la nouvelle gare à cet endroit. Comme toutes les solutions hybrides, elle a les avantages et inconvénients des solutions qui la créent.

S’il faut « déplacer » le tracé de la ligne pour le rapprocher de la ville, la ligne sera plus chère à construire. Cela reste une nouvelle gare à relier au reste de la ville, sinon elle restera peu pratique pour les voyageurs.

Cependant elle a des avantages, puisque le TGV évitera de quitter la voie et de prendre du retard – et par le jeu des répercussions, faire prendre du retard aux autres trains, elle permettra de faire émerger de nouveaux quartiers et de faire bénéficier à la ville de « l’effet TGV ».

Le renaissance d’Avignon TGV

La gare d’Avignon TGV a suivi le dernier modèle de développement décrit ci-dessus. La LGV Méditerranée crée en 2001 passe juste au sud d’Avignon, dans un espace non urbanisé à l’époque (et inondable). Une chose est certaine, la gare n’a cessé d’attirer de plus en plus de passagers.

Du côté du positif, la gare, à 6 kilomètres du centre-ville, a offert une nouvelle dynamique à Avignon et a permis la création du nouveau quartier de Courtine. Cette zone riche en activités fait le lien entre Avignon et la gare qui fait désormais presque partie du tissu urbain (ce n’est tout de même pas le cas). Avec une gare aussi proche du centre-ville, les trajets devaient être simples pour y accéder.

Du côté négatif, la gare était tout de même isolée, éloignée du réseau de transport en commun, ce qui rendait la voiture presque obligatoire. Par ailleurs la mairie n’était pas forcément ravie de voir la gare d’Avignon Centre perdre de son importance, alors même qu’elle avait été rénovée lors de l’arrivée du TGV par les voies classiques quelques années plus tôt et qu’elle bénéficie d’un bon réseau de transport en commun. On a pu également regretté une réelle incitation à l’urbanisation et au grignotage de la ville sur de nouvelles terres. De même, alors que le tramway n’est pas encore créé, il ne prévoit pas d’aller jusqu’à la gare TGV.

Mais le plus grand défaut de cette gare a été de se retrouver victime de son succès. Le nombre grandissant de voyageurs ont rapidement fait exploser les temps d’accès à la gare. Les navettes routières étaient de moins en moins rapides et fiables, et dans le même temps les parking se sont révélés être largement insuffisants, laissant place au parking sauvage sur la voirie publique (compliquant encore d’avantage l’accès à la gare).

C’est il y a moins d’un mois, dans le cadre de la réouverture de la ligne Avignon Centre – Carpentras qu’a été ouverte La virgule d’Avignon (ou raccordement Courtine). Quel en est le principe ? C’est la création d’1,5 km de voies ferrées qui auront mis plus de 10 ans à être construites.

Ce petit tronçon de voies sert en fait à relier la gare TGV aux voies classiques et à la gare du centre (et donc à son réseau). Ainsi le trajet pour relier les gares en bus, qui prenait au moins 15 minutes, est remplacé par un trajet ferroviaire de 5 minutes (sur les voies classiques, puis sur le raccordement à une voie, et enfin sur l’un des nouveaux quais à Avignon TGV).

Le projet de réouverture de la ligne TER Avignon-Carpentras comprenait la création de « la virgule d’Avignon ».
Document RFF

Mais au delà de ce gain de temps qui sera utile à de nombreux habitants de la cité des Papes qui pourront accéder à la gare TGV depuis la gare centrale, mieux desservie, c’est la région qui en profite. En effet, ce sont et seront des lignes TER de Cavaillon, Miramas, Salon-de-Provence ou Carpentras (lors de sa réouverture) qui iront desservir Avignon TGV en passant par le centre.

D’autres régions n’avaient pas attendu aussi longtemps…

Ce progrès est à saluer car il parvient à corriger certains défauts de la gare d’Avignon TGV. Cependant, ce n’est pas la première fois que ce genre de problème est résolu.

On peut par exemple prendre l’exemple de la gare Champagne-Ardennes TGV crée pour desservir Reims. La gare est nouvelle et est placée à quelques petits kilomètres de Reims, au sud. La proximité de la gare laisse espérer un développement futur d’une zone d’activités. Il est par exemple prévu que l’école de commerce quitte son emplacement actuel pour ouvrir un grand campus à proximité de la gare. Mais les choses ont été bien faites : la gare TGV est reliée au réseau classique par des TER, et le tramway créé il y a peu de temps dessert également la gare. Par ailleurs plusieurs allers-retours entre Paris et Reims desservent encore la gare centrale en bifurquant avant la gare TGV.

A Reims, la Gare de Champagne-Ardennes TGV est desservie par le tramway (vert) et le TER (bleu).
Document : leportailferroviaire.free.fr

Sinon, plus proche d’Avignon on peut citer la gare de Valence TGV. Si la gare est un peu plus isolée et que la ZAC peine à se développer autant que les promoteurs l’auraient souhaité, les choses ont été mieux pensées dès le départ. En effet la gare TGV se situe sur la ligne TER entre Valence et Moirans ce qui permet de faire la jonction entre TGV et TER. On peut même noter que, par anticipation, la gare disposait de voies non utilisées pour permettre la création d’un raccordement entre les voies TGV du sud et le sillon alpin (Chambéry et Grenoble), c’est désormais chose faite.

La vue aérienne de Valence TGV permet de voir que la gare recouvre les lignes TGV et la ligne TER.
Crédits photo : veilleeco.free.fr

… alors que d’autres souffrent de choix discutables qui auraient pu être évités

Au final, aucun choix de gare ne se fait sans déception ou défaut. Le tout est alors de peser les avantages et inconvénients et de tenter de trouver des aménagements ou des compromis efficaces pour limiter les points négatifs. Il est alors de dommage de constater que même des gares plus récentes comme Lorraine TGV souffrent de choix des plus contestables… Cette gare a été placée à mi chemin de Metz et Nancy pour les desservir toutes deux sans avantager l’une ou l’autre. Le résultat est une gare perdue en pleine campagne assez peu facile d’accès, alors même que la ligne TER reliant les deux villes passe à 10 km de là. Restrictions budgétaires obligent, la gare n’a pas encore été « déplacée » malgré les promesses électorales. Mais on peut certainement regretter que l’on ait pas encore appris des erreurs précédentes.

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