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ÉTONNANTE EXPÉRIENCE : Tokyo modélisé dans une boîte de Petri
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Optimiser le fonctionnement d'un réseau
ferré dans une métropole comme Tokyo n'est pas chose simple. Des
chercheurs ont eu l'idée de soumettre le problème à un micro-organisme,
un Physarum, lointain cousin des champignons. Surprise ! En
quelques heures, le réseau construit par celui-ci égale, voire surpasse,
celui édifié par les plus grands ingénieurs nippons.
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Le réseau ferré du grand Tokyo
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Depuis quelques décennies, mathématiciens, informaticiens, physiciens, œuvrant dans un domaine appelé « recherche opérationnelle » conjuguent leurs efforts pour créer des modèles mathématiques, des algorithmes
informatiques… bref, des outils intelligents capables d'apporter des
solutions à des questions complexes, comme celle d'un réseau ferré. Or,
dans le cas du réseau ferré japonais, la question posée est la suivante
: comment relier Tokyo et ses 36 villes voisines en un minimum de
lignes et avec un maximum d'efficacité ? Pour des questions de coût et
d'ergonomie, le nombre de lignes du réseau ne peut être multiplié à
l'infini. Cependant, le réseau doit être suffisamment dense pour
acheminer à leur destination, en un temps minimal, un grand nombre de
voyageurs et doit pouvoir offrir des solutions alternatives efficaces en
cas de panne sur une ou plusieurs lignes de train. On a toujours besoin d’un plus petit que soi L’expérience inédite Pour
passer de l'idée à la pratique, quelques ingrédients s'imposent : une
boîte de Petri de 17 cm de diamètre, des flocons d'avoine – le Physarum raffole des bactéries qui s'en nourrissent –, un Physarum et de l'obscurité car le Physarum a horreur de la lumière. En imaginant que la boîte de Petri représente Tokyo et sa région, il ne reste plus qu'à y placer le Physarum
et 36 + 1 petits tas de flocons d'avoine : un pour Tokyo, les autres
pour les villes de l'agglomération, puis d'observer comment le Physarum va s'y développer.
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Vue en accéléré du développement du Physarum sur 26 heures
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Pour
rendre l'expérience encore plus réaliste, et composer avec les mêmes
contraintes géographiques que celles rencontrées par la « SNCF »
japonaise, certains points de la boîte de Petri vont être éclairés pour
simuler les reliefs de l'agglomération et contraindre le Physarum à contourner ces « obstacles » (rappelez-vous, le Physarum déteste la lumière). Fidèle à son habitude, le Physarum
commence par explorer le milieu en tissant dans les premières heures de
l'expérience un réseau très dense sur toute la surface disponible.
Puis, une fois qu'il a identifié les 37 points de nourriture, afin
d'économiser son énergie, il ne va conserver que les lignes utiles à son
approvisionnement. Tous les points resteront reliés les uns aux autres
mais à travers un réseau minimum, capable de résister à d'éventuelles
ruptures de « lignes ». 26 heures plus tard, le résultat tombe : le réseau tissé par le Physarum
est très semblable à l'actuel réseau ferré tokyoïte, et son «
infrastructure » n'a rien à envier en terme d'efficacité au réseau conçu
par des générations d'ingénieurs nippons. De l’expérience à la modélisation : place au « physarum virtuel » !
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Bertrand Maury, Laboratoire de mathématiques, université Paris-Sud
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Loin de s'arrêter en si bon chemin, Atsushi Tero et son équipe, vont déduire du comportement du Physarum
et du réseau qu'il a édifié, un modèle mathématique « simplissime »,
qu'ils vont immédiatement tester sur la problématique du réseau ferré
japonais. Bis repetita, le « physarum virtuel » semble donner
des résultats analogues, voire supérieurs, aux solutions trouvées par le
micro-organisme d'origine et celle des ingénieurs japonais. Ils
tiennent donc un algorithme capable de résoudre des systèmes complexes,
dignes des modèles les plus savants élaborés en « recherche
opérationnelle ». « Cet algorithme est simple et beau », constate Bertrand Maury du Laboratoire de mathématiques de l'université Paris-Sud, « et
la démarche est originale. S'inspirer de ce que fait une petite
bestiole qui obéit à des mécanismes élémentaires pour élaborer un modèle
capable de résoudre en temps réel des problèmes complexes, c'est assez
osé. Mais leurs résultats, si l'on en croit la publication de Science, semblent concluants. » Les
créateurs du « physarum virtuel » envisagent déjà de nombreuses
applications dans des secteurs aussi variés que les réseaux de
téléphonie, l'Internet, ou encore les réseaux de distribution
d'électricité. |
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