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De la théorie des jeux aux feux tricolores : la solution aux embouteillages?

Une embouteillage sur une voie rapide de Toronto (Crédits : Samah El-Tantawy)

Une embouteillage sur une « voie rapide » de Toronto (Crédits : Samah El-Tantawy)

Vous vous dîtes peut être parfois qu’ils le font exprès. Vous vous dîtes peut être qu’à chaque fois que vous roulez à l’approche d’un feu tricolore, un type qui observe la scène, prend un malin plaisir à se saisir des commandes pour vous faire stopper net au rouge. Bon. En fait vous vous dîtes surtout que cela vous emmerde. Et c’est vrai que c’est emmerdant un feu, quand on est déjà en retard.

Mais voilà. Si le feu est chiant quand il n’y a personne, à l’inverse, vous devriez désormais le féliciter d’exister sur le chemin du boulot.  Un chemin que vous partagez au ralenti, tous les matins et tous les soirs, avec des millions de vos semblables métropolitains. Vous devriez le remercier, car c’est lui qui vous aidera peut-être demain, à gagner du temps.

C’est en tout cas ce que laissent entrevoir les résultats étonnants d’une expérience menée dans les rues de Toronto (une des villes les plus embouteillées du monde avec Le Caire) par Samah El-Tantawy, dans le cadre de son doctorat en génie civil à l’université de Toronto.

Le système baptisé MARLIN-ATSC (Multi-agent Reinforcement Learning for Integrated Network of Adaptive Traffic Signal Controllers) testé sur 60 feux d’intersection du downtown de la métropole canadienne, a permis de réduire de 40% les ralentissements du trafic, même aux heures les plus critiques, et de fait, a participé à diminuer les temps de trajet de 26% sur le périmètre de la zone où ils ont été installés.

En fait, contrairement à des feux classiques qui bénéficient d’une gestion centralisée, ou à d’autres feux dits « intelligents » qui disposent de capteurs limités, le système développé par Samah s’inspire dans son fonctionnement des grands principes de la théorie des jeux et notamment de l’équilibre de Nash. Dans ce cadre, les feux n’obéissent plus à des minuteries ni uniquement à des « sensibilités visuelles », mais parviennent à se coordonner et à coopérer entre eux. Et la chercheuse de préciser :

« C’est comme si ces feux, à la manière d’une équipe de joueurs de foot, s’efforçaient chacun de marquer, mais considéraient en même temps que l’objectif final, celui de l’ensemble de l’équipe, était de gagner le match. »

Schéma de principe sur trois exemples de coopérations entre feux tricolores (Crédits : Samah El-Tantawy)

Au-delà de la théorie sur laquelle ils se basent, ces feux disposent de capteurs terrestres reliés à un réseau de partage de la donnée. Chaque feu, chaque intersection, tenus dans un ensemble, s’engagent ainsi dans une collaboration, sinon dans un « jeu », avec les feux et les intersections du voisinage. L’objectif : apprendre la marche optimale à suivre pour réduire les embouteillages et adapter le temps d’éclairage à la densité variable du trafic dans un espace donné.

On attend évidemment de voir ce que ce système pourrait donner en dehors de son contexte de développement et des premiers tests effectués sur Toronto. En tout cas, une chose est sûre, le feu tricolore est en passe, grâce à ces nouveaux modèles intelligents, de changer son image et de glisser peu un peu, d’un simple objet de régulation du trafic, vers un véritable outil de gestion, au service de la ville et de ses automobilistes.

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