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New York les pieds dans l’eau, pour le pire et pour le meilleur

Le projet de MIT+ZUS+URBANISTEN pour un New York plus résilient

Le projet de MIT+ZUS+URBANISTEN pour un New York plus résilient

Faut-il se préparer, protéger ou bien déménager ? Dans les Etats de New York et du New Jersey, les habitants des quartiers inondés lors du passage de l’ouragan Sandy le 29 octobre 2012, spéculent depuis plus d’un an sur le choix qu’ils devront faire tôt ou tard face à la survenue d’une nouvelle tempête. Car en détruisant des maisons et en pénétrant loin dans des zones urbanisées jusqu’ici épargnées par l’océan, l’ouragan a aussi arasé nombre de certitudes et matérialisé un risque qui semblait lointain…

A l’image de ces interrogations citoyennes, décideurs, designers, urbanistes, paysagistes et architectes planchent depuis plusieurs mois sur le devenir de la capitale économique des Etats-Unis face à l’accroissement des risques liés à la montée des eaux et à la recrudescence des tempêtes centennales.

Parallèlement à la mise en œuvre d’un Plan d’adaptation aux changements climatiques doté d’un budget de 19,5 milliards de dollars, ces réflexions ont permis de développer une série de projets. Et si tous n’ont pas vocation à être réalisés, parce que simplement irréalisables, ils conservent le mérite de réinterroger la place de la métropole moderne, de son développement et de son architecture face aux aléas, face à ses vulnérabilités et à un avenir qui se conjuguera forcément avec l’océan et ses incursions.

Rendre à la mer ce que la ville lui a pris

L’accélération des processus d’artificialisation des sols liés à la métropolisation des territoires côtiers a largement précipité la vulnérabilité de villes comme New York.  La technique, l’essor des moyens de gestion et de contrôle de l’eau (digues, pompes, canalisations, etc.) concomitants à une dynamique de croissance économique, ont peu à peu confiné à l’oubli les risques, en offrant à ses territoires côtiers, la possibilité de dissocier leur développement de certaines contraintes liées aux milieux.

Ce constat qui nous rappelle aussi que des morceaux de Manhattan et une grande partie de la côte du New Jersey autour de Hoboken et de Jersey ont été gagnés sur la baie, a interpellé plusieurs des équipes engagées autour du programme Rebuild By Design.

L'île de Manhattan et sa topographie. En marron, les polders gagnés au sud sur l'Hudson et la mer.

L’île de Manhattan et sa topographie. En marron, les polders gagnés au sud sur l’Hudson et la mer, en vert foncé, les marécages.

La ville a pris sur la mer et les paysages de marécages qui caractérisaient autrefois certains territoires du site, ont fortement reculés sous la pression urbaine. Pour les équipes de SCAPE/LANDSCAPE Architecture, et MIT+ZUS+URBANISTEN, ces espaces retrouvés à la faveur de l’ouragan, ont aujourd’hui tout intérêt à être restitués définitivement à la mer sous diverses formes. Du marécage à la lais en passant par la velme, ces milieux très particuliers, transition perdue à force des années entre la terre et la mer, ont un rôle crucial à jouer, non seulement dans la protection des équipements et des habitats côtiers lorsqu’ils font face aux marées de tempête, mais aussi dans la gestion et le traitement naturel des eaux terrestres (voir également les travaux de DLANDSTUDIO sur le projet de renaturation des berges de Manhattan).

Rendre à la mer ce que la ville lui a pris, restaurer, renaturer les milieux critiques, en déconstruisant des segments de villes vulnérables, mais  pas forcément indispensables au maintien des populations (parkings, friches industrielles, etc.) constitue une des réponses de la métropole, aux enjeux que font peser sur elle, les risques de submersions marines.

Le vrai défi de New York : l’habitat

Pour protéger les populations des assauts de la baie, d’autres équipes ont imaginé un travail relativement fin sur le mobilier urbain, l’habitat et les infrastructures directement exposées aux inondations.

L’équipe BIG TEAM et son projet « BIG U » propose ainsi de mettre en place tout le long des berges du bas Manhattan, une série d’équipements qui joueraient en cas de montée des eaux, le rôle de mur anti-inondations. Ou comment un mur peut-il être davantage qu’un mur : des rampes de skate Park, aux boutiques, en passant par des toboggans ou des « murs œuvre d’art », BIG TEAM envisage son projet comme autant d’émergences transitoires, en attendant que la ville se prépare, en attendant la mer.

Car au-delà de ces équipements et de la transition qu’ils devraient permettre, le vrai défi de New York et de ses territoires côtiers demeure bien celui de l’habitat. Des maisons, des immeubles qui, pour beaucoup le long des côtes urbanisées de Staten Island ou de Long Beach, ne sont et ne seront plus capables d’affronter les grandes marées ou les hausses brutales des eaux littorales.

Restaurer l’habitat traditionnel, lorsqu’il existe ou lorsqu’il a existé, et faire appel aux solutions des « proto-villes » pour « soigner » la métropole moderne est une chose. Mais que faire lorsque la ville, lorsque la métropole côtière fragilisée n’a jamais réellement pu éprouver les contraintes de son milieu, soit parce que ces contraintes n’existaient pas à l’origine, soit parce que, cette ville justement, bénéficiait déjà à sa création, ou a fini par bénéficier d’une partie de la technique pour les contourner ?

Et bien il faut  s’inspirer justement de l’architecture résidentielle et historique des villes d’eaux ou des sites urbanisés en milieux côtiers à risque. C’est ce que propose en filigrane, plusieurs équipes du programme Rebuild by Design, en reconsidérant maisons individuelles en rez-de-chaussée, équipements publics et résidences d’appartements pour en faire des constructions sur pilotis, intégrés à un milieu renaturé et protecteur. Des constructions à l’image de ces habitations traditionnelles qui bordent les canaux (les khlongs) de Bangkok, une ville habituée des submersions (voir aussi le lauréat du one prize 2013 sur le sujet)

Déménager la ville ?

Un jour, rien n’y fera plus pourtant. Et la ville aura beau essayer d’endiguer les flots, l’océan aura raison d’elle. C’est en substance cette perspective, et le besoin pour la ville de poursuivre le développement d’une partie de ses fonctions économiques situées en zone vulnérable, c’est-à-dire au sud de Manhattan, qui a conduit OMA, l’agence de Rem Koolhaas  à penser un « nouveau New York », au-delà de l’île, aux abords de Jamaica Bay. Une série de quartiers qui marqueraient le renouveau d’une partie de la métropole autour notamment de son aéroport, à l’abri d’une baie restaurée.

Dans son projet, OMA identifie sept grands quartiers, distincts dans les fonctions qu’ils abritent, qui courent le long de la baie et viennent s’arrimer à l’aéroport du nord au sud. Dans ce Nouveau New York, l’aéroport JFK devient un pôle d’activités central, et les loisirs tout comme l’entertainment, qui fascinent toujours autant Koolhass pour leurs capacités à créer de nouveaux genres de villes, articulent entre eux les espaces résidentiels et les futurs pastiches de l’ancien Manhattan, de ses quartiers d’affaires et de Central Park.

New York, tout comme d’autres villes littorales aura fort à faire pour consolider les bases d’un « futur aquatique » que laisse envisager les données issues du dernier rapport du GIEC. Sans sombrer dans la « teubotopie » des cités flottantes, elle devra quoi qu’il en soi inventer de nouvelles formes et de nouvelles typologies d’habitats, de ville et restaurer ses marécages et ses cours d’eau, en limitant son emprise là où celle-ci s’avère aujourd’hui la plus fragile. Mais surtout, elle devra trouver la force, auprès de ses habitants, d’agir progressivement sur son quotidien, et l’usage de son territoire. Comme les vénitiens, pour lesquels l’aqua Alta est devenu partie intégrante du paysage, l’océan et ses incursions dans la ville, ne devra plus être vécu comme une fragilité. Mais plutôt comme un moyen d’intensifier la métropole et le nombre de ses interrelations.

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L'auteur
Josselin Thonnelier

Diplômé de l'Institut d'Urbanisme de Grenoble en Urbanisme et Projet Urbain, de l'Université de Poitiers et de Moncton (Canada) en Géographie et Sciences Politiques.

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