UrbaNews

L’urbanisme fantasmé de Sarkozy

Comme si le fait de décréter, de dire, pouvait soudain changer les choses et résoudre des situations inextricables vieilles de plusieurs décennies… Pour Nicolas Sarkozy, la solution à la crise du logement, contexte relayé ces derniers jours par la publication annuelle de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal logement en France, pourrait se résumer en une espèce d’aberration. Augmenter de 30% les possibilités de construction et cela, à travers tout le territoire. Un projet présidentiel déjà mesuré et modéré dans les faits par le gouvernement mais qui n’exempte pas de réfléchir à la porté de certains mots, de certaines idées lâchées sans autres explications, à des fins électoralistes.

Des règles d’urbanisme à revoir

D’un coup d’un seul, à la simple expression d’une idée, voilà notre président balayant et reléguant à l’anecdotique la préexistence de règles d’urbanisme et de construction, uniformisant et simplifiant au plus fort un territoire de 671 000 kilomètres carré. D’un coup, d’un seul, comme à la grâce d’un miracle, voilà notre président entamer l’économie de l’histoire et de la construction des principes qui ont fondé par accumulation, les contours du droit de l’urbanisme. N’existe-t-il plus de documents axant les grandes et les petites lignes de l’aménagement et de la planification spatiale ? Ou sont donc passées les règles de constructions déterminant les hauteurs, les dispositions et les coefficients d’occupation des sols ? Ou sont donc passés ces territoires protégés, naturels et foyers de la biodiversité ? Envolés, ramenés à l’expression de leur plus simple inexistence. Ou quand la réalité juridique des territoires, si lourde à faire évoluer, s’évapore le temps d’un discours, le temps de semer pour ensuite récolter.

Construire partout et nulle part ?

Sur des territoires soumis à un fort coefficient, les quartiers centraux, populaires, la densification paraît limitée et l’optimum déjà atteint. Construire davantage reviendrait au final à asphyxier ces espaces et à pénaliser les communes qui ont réalisé par le passé de telles démarches. Sur d’autres territoires encore, densifier sans autres préalables ou engagements de projets cohérents, reviendrait à négliger le travail des acteurs du territoire qui militent souvent dans un esprit républicain pour l’effacement des inégalités et l’équilibre des fonctions comme des usages dans l’espace. Que penser d’une telle règle, d’un tel texte là ou sur certains territoires, rien ne prédispose à l’heure actuelle la concrétisation d’un processus de densification ? Que penser d’un tel discours, de telles idées sur des territoires éloignés de toutes dessertes de transports en commun, de tous services ? Ce ne serait-ce sans doute pas aider le grenelle que de penser en ces terme ? Discours de passion, propositions intéressées,… Derrière les mots du président réduisant la « science » de l’aménagement et la complexité des territoires à leur plus simple appareil, détaché de tous particularismes, de toutes spécificités ou enjeux locaux, il faut pourtant y voir certaines pistes de réflexions.

Adapter la mesure aux territoires de vie

Pour certains professionnels réagissant à ce qu’ils qualifieront pour la plupart de « connerie présidentielle en vue de fins personnelles », l’intervention de Nicolas Sarkozy aura eu au moins le mérite de relancer le débat sur la question de la densification. Alors plutôt que de prôner le 30% partout et nulle part, déjà, certains rebondissent, envisageant d’autres formes d’incitation à construire pour les communes autour de l’idée de périmètre stratégique de densification des infrastructures existantes. Construire, densifier, la question ne se pose plus réellement aujourd’hui en termes de bon ou de mauvais choix, mais d’abord en termes de logique et de cohérence territoriale. Très certainement et face à la question des défis économique et écologique, il faudra à l’avenir pouvoir inciter les collectivités à engager ces démarches autour des pôles d’emploi et de services structurant et les inviter à renforcer sur certaines portions de leur territoire le coefficient d’occupation des sols. Les réflexions menées autour de la densification sont nombreuses, et les collectivités pourraient s’en inspirer, qu’il s’agisse de construire sur les quelques 5000 kilomètres carré de parking du territoire ou de rehausser la hauteur de certaines constructions…

Densifier, sans autres projets de ville ou de territoire serait une hérésie, au moins aussi grande que de vouloir ré enchanter la vie des grands ensembles aujourd’hui. Pourtant, l’avenir de la densification passe peut être aussi par cette idée. Celle du ré investissement, du ré enchantement de la ville pulvérisée à grands coups de maisons individuelles et d’allégories champêtres.

Quitter la version mobile