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Faut-il ralentir pour rouler plus vite?

Rouler moins vite pour aller plus vite… Derrière l’idée sonnant l’évidence d’une bizarrerie pour l’homme moderne, l’automobiliste pressé ou le salarié pour qui le temps se résume désormais à un équivalent monétaire, le chrono aménagement fait le pari de l’intelligence sur la vitesse, de l’harmonisation sur l’anarchie dans un monde ou le rendement se mesure –presque pour tout- à la rapidité dans l’exécution et au temps passé dans la production.

La vitesse, vague rumeur lointaine

Avec l’essor des moyens, de la voiture particulière, des infrastructures routières toujours plus larges, plus rapides et plus sûres, la vitesse est devenue synonyme d’efficacité et le temps peu à peu s’est contracté. La ville, dés lors libérée de son emprise n’a eu de cesse que de se reproduire alentours, mutant au profit de l’espace qui lui était donné en des formes et des systèmes plus ou moins réussis. Plus les moyens étaient là depuis son cœur, ou les organes névralgiques qui la constituaient, plus ses membres s’étiraient jusqu’à singer l’image d’une entité difforme, hypertrophiée par certains de ses aspects.

Loin d’avoir permis de gagner du temps, la vitesse n’a en fait servi la ville que dans ses excroissances et contribué en l’espèce d’un appel d’air, à la saturation progressive des réseaux qui autrefois avaient participé de son exposition. Dans les grandes agglomérations, comme d’ailleurs aux portes des plus petites, la vitesse, vague rumeur  lointaine a depuis laissé place aux refrains des moteurs à l’arrêt et aux airs d’accordéons que jouent, pare choc contre pare choc, les fils interminables de voitures.

Alors que le premier réflexe aurait probablement voulu dans les années 90 que l’on augmente la capacité de charge des axes encombrés, le chrono aménagement milite davantage pour l’optimisation des flux par la tempérance, à grands renforts d’optimums circulatoires et de calculs mathématiques niveau bac plus trois…

Ralentir pour aller plus vite

Chaque voie, chaque portion de route ou d’autoroute possède à l’image d’une rivière ou d’un fleuve une capacité de transport qui lui est propre. Plus la route est large, plus les voies sont nombreuses, plus sa charge sera importante et plus son seuil de saturation sera élevé. Si cette mécanique a eu longtemps de quoi séduire par sa simplicité c’était sans compter sur les automobilistes… Autrement plus complexes à saisir que des alluvions perdues entre deux eaux, plus imprévisibles et libres aussi, les femmes, les hommes et leurs comportements au volant, écartés plus d’une fois des équations, constituent aujourd’hui le point d’articulation des réflexions des chrono-aménageurs. Et si la fluidité de nos routes tenait finalement moins à leur capacité de charge qu’à l’usage que nous pouvions en faire ?

Pour les tenants des « autoroutes apaisées » le travail ne revient pas tant à construire de nouvelles routes qu’à en modifier leur pratique et le comportement des automobilistes, tout particulièrement aux heures de pointes lorsque le trafic gonflé par les migrations pendulaires se sature jusqu’à ne plus fonctionner.

Une des réflexions tient ainsi pour principe qu’en réduisant les différentiels de vitesse entre les véhicules, le débit peut être maintenu de manière optimale, comme l’on égrainerait du riz dans un entonnoir, évitant le développement d’un phénomène de bouchon alternatif. En d’autres termes, cela reviendrait à anticiper le ralentissement, à ralentir en amont pour aller plus vite…

D’ores et déjà, des expériences sont menées en Europe mais aussi aux Etats-Unis autour de ce que l’on appelle la gestion active du trafic. Dans ce cadre les limitations de vitesse ne sont plus imposées de manière fixe et inchangée sur de vastes tronçons de routes mais évoluent selon la situation du trafic, selon qu’il soit fluide ou au contraire en passe de se gripper. Ces limitations variables de vitesse basées sur une gestion algorithmique du trafic permettent d’améliorer sensiblement le débit des routes en période de pointe tout en réduisant la vitesse moyenne.

Une portion de route soumise à la gestion active de trafic aux Etats-Unis

Changer les routes et leur environnement pour changer les comportements

Difficile pourtant de mettre en place un tel système quand faire ralentir alors que tout semble rouler correctement revient à  brider l’automobiliste sur le chemin de son travail ou sur celui de son retour à la maison.  Sur la plupart des expériences de VSL (variable speed limit) menées en Europe ou aux Etats-Unis, le facteur automobiliste a largement contribué à réduire les effets positifs et à limiter les gains des différents programmes.

Dans ce sens, si certains envisagent le recours massif aux outils de surveillance et de contrôle de la vitesse, à l’image des radars déjà présents en nombre sur nos routes, d’autres entrevoient de jouer sur l’environnement immédiat des autoroutes et des voies rapides urbaines afin d’inciter justement les usagers à ralentir. Si l’automobiliste veut rouler vite, alors il faut non sans qu’il soit amené réellement à le faire, lui en donner l’impression. En d’autres termes, cette idée revient à créer sur certains tronçons de routes des environnements capables de simuler une impression de vitesse en cassant les espaces libres ou les paysages lointains par une succession d’aménagements rythmant la conduite et incitant à lever le pied.

Sans pour autant créer de futurs couloirs ou emprisonner le conducteur dans un tube, l’approche environnementale et paysagère du trafic interroge le devenir des voies rapides urbaines, non seulement en termes d’usage, de gestion du trafic et de sécurité, mais également en termes plus larges de projet urbain.

De l'autoroute au boulevard urbain. L'exemple d'un projet paysager sur l'autoroute Laurentienne à Québec

Catégorie:Transports
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L'auteur
Josselin Thonnelier

Diplômé de l'Institut d'Urbanisme de Grenoble en Urbanisme et Projet Urbain, de l'Université de Poitiers et de Moncton (Canada) en Géographie et Sciences Politiques.

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