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PPP hors contrôle et architecte sous contrôle

En juillet 2009, l’architecte Philippe Blandin intègre le groupement qui remportera le premier PPP (Partenariat Public-Privé) universitaire d’un montant de 273 millions d’euros pour la construction et la maintenance de 44 600 m² de locaux universitaires à l’Université Paris 7 Diderot. Le groupement est emmené par la Major du BTP Vinci.

Contestant la “dégradation” du projet  par l’entreprise mandataire, l’architecte est finalement remercié…

Lettre ouverte à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Madame la Ministre,

Je suis un simple architecte qui a toujours veillé à faire correctement son travail  en respectant  les devoirs de l’ordre et l’idée que je me fais de mon  métier. Je ne suis pas un “écrivain public” de l’architecture ou un “mercenaire” au service exclusif des intérêts économiques de l’opérateur privé au détriment de ceux, beaucoup plus diversifiés, de la personne publique. J’estime qu’un architecte se doit de défendre aussi bien les intérêts de son groupement que ceux de l’utilisateur final et “l’intérêt public de l’architecture” y compris dans un PPP face aux demandes émises après coup et en coulisses par le partenaire privé, en contravention avec les termes du contrat final. Que l’opérateur privé, une fois renvoyée la fanfare, ne songe plus qu’à réaliser un maximum d’économies, c’est une chose. Qu’il en vienne à dénaturer le projet, jusqu’à créer d’invraisemblables embarras pour la population étudiante, sans parler des risques encourus sous l’angle de la sécurité, qui plus est sans rencontrer la moindre objection de la part du donneur d’ordre (l’Université Paris-Diderot), c’en est une autre.

C’est justement parce que, fidèle à l’éthique du métier, j’ai tenu à faire consciencieusement mon travail et que je me refusais d’être complice de demandes irrecevables que j’ai été brutalement “remercié”. Après notre éviction, le ”bâtiment universitaire flexible”  que nous avons conçu a été dégradé en un “bâtiment administratif rigide”. Certaines “solutions originales” découvertes sur les bâtiments M6A1 et M5B2 peuvent faire sourire. Ainsi, est-il prévu dans le M6A1 un local poubelle de 11 m² pour 19 000 m² de planchers et des places de stationnement de 1 mètre 20 pour des motos de 2 mètres, c’est la France “miniature”…

Que dire de l’aménagement du hall du M3I2 de 200 m² destiné à l’inscription des 26 0000 étudiants qui comportait à l’origine un guichet de 11 mètres linéaires ?  Depuis notre éviction, la surface a été réduite à moins de 5 m², équipée d’un guichet ”d’excellence” de 2 mètres linéaires probablement pour roder les étudiants qui n’auraient pu valider intégralement une inscription par internet aux files d’attente de la prochaine exposition Monet.

Que penser de la “bibliothèque universitaire de réputation internationale” du M6A1 de plus de 1000 m²  rendue définitivement inaccessible aux étudiants au vu de l’effectif public “nul” déclaré dans le permis de Construire ? Faut-il  rappeler que l’université a justifié ce PPP par : « le coût final de location de locaux tampons adaptés aux contraintes ERP (qui) serait aussi élevé que le coût de construction de locaux neufs” ?

Plus grave pour la sécurité, la solidité de nombreux planchers est passée de 400 KG/m² à 250 Kg/m² en contradiction totale avec la flexibilité d’affectation contractuelle. La dégradation du statut d’ ”Etablissement Recevant du Public” de  locaux universitaires en “code du travail”, comme s’il s’agissait d’un établissement n’accueillant que des salariés est incompréhensible ; autant de pratiques qui ne font plus sourire, mais qui soulèvent l’indignation.

Est-ce là  ”l’écrin digne de l’université du XXIe siècle devant rivaliser avec les plus grands établissements du monde” du contrat de PPP que vous avez signé le 24 Juillet 2009 ?

Il est encore temps d’évaluer la légitimité de ces questions et  d’y répondre. A tout le moins, Madame la Ministre, il vous revient de créer un organisme de contrôle véritablement indépendant pour éviter d’étendre à des constructions neuves et dont le coût est in fine supporté par nos concitoyens la “fatalité” de bâtiments universitaires  “vétustes”. Je fais  là écho au discours tenu le 28 Janvier 2008 par le Président de la République dans le cadre du plan CAMPUS.  Il y a urgence.

Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.

 

Philippe Blandin
Architecte DPLG-URBANISTE
Membre fondateur de l’ATELAB
Enseignant à l’ENSAPLV

 

 

Catégorie:Architecture
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Edouard Malsch

Urbaniste, Géographe, Co-Fondateur & Community Manager pour UrbaNews.fr.

3 Commentaires

  • 13 avril 2011 à 22:10
    Antoine C.

    Eh ben!

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  • 18 avril 2011 à 17:55
    Valente

    Je suis consterné, la réussite d’un projet de construction repose sur une équilibre et une relation entre 3 acteurs: un maitre d’ouvrage, un architecte et une entreprise, l’autre paramètre est bien entendu le respect du programme ou encore des souhaits de l’utilisateur, or en la cironstance, le maitre d’ouvrage et l’entreprise ne font qu’un, l’architecte est leur obligé et l’utilisateur (l’Etat) semble briller par son absence, on imagine ce qu’il advient, la logique incontournable de l’entrepeneur s’impose, il multiplie les impasses, les économies au détriment des obejectifs, c’est totalement surréaliste quand on songe aux déclarations des gouvernants qui prétendent enrayer la gabegie et serrer les cordons de la bourse. Je n’arrive pas à comprendre comment l’Etat semble avoir oublié de mettre en place en dispositif de controle. Le PPP, est donc une manne pour les grands opérateurs, avec un client passif et pour le moment solvable. ET dire que le pharaonique projet de redéploiement des services de la justice doit faire l’objet d’un PPP. Merci pour le contribuable

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  • 18 avril 2011 à 17:57
    Pierre paris7

    PPP : Quand la France monte dans un train qui a déjà déraillé… Les enseignants et étudiants de PARIS 7 bougent face aux dérives du PPP de l’université PARIS 7 DIDEROT. ( Plan campus de Pécresse)
    http://biatossp7.eklablog.com/
    http://data0.eklablog.com/biatossp7/perso/tract-1-.pdf Le PPP, késaco ?

    Le PPP est un type de contrat conclu entre une personne publique (par exemple une université, ou plus directement l’État) et une entreprise privée, en vue de la réalisation de travaux, ou encore de la maintenance de bâtiments. Le principe est que l’entreprise prend en charge tout ou partie des coûts, en échange de quoi la personne publique la rémunère sur la durée. Dans notre cas, la construction de bâtiments, l’université s’engage donc à payer une sorte de loyer sur 30 ans à l’entreprise Vinci. En réalité, les PPP ont deux grands intérêts pour ceux qui les signent. D’une part, cela permet d’effacer artificiellement une grosse dépense de la dette publique, puisque cette dépense se fera sous forme de loyer sur 30 ans. C’est plus cher qu’un emprunt, mais ça n’apparait pas comme tel dans les comptes,d’où l’intérêt pour les responsables de l’administration publique.

    D’autre part,l’entreprise qui construit récolte un contrat juteux, sans risque, puisqu’elle est assurée de percevoir le loyer prévu. Le hic, c’est que le seul intérêt de l’entreprise privée, comme toujours, est de générer un maximum de profit. Son objectif principal est donc de réduire les coûts au maximum, sans se préoccuper des conséquences en termes de sécurité, ou d’utilisation du bâtiment par exemple.

    C’est la bonne vieille logique néolibérale à l’oeuvre : si c’est rentable, c’est bien.

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